Vous avez manqué nos activités spéciales organisées dans le cadre des Journées de la Culture 2010? Vous vous en mordez les doigts? Qu'à cela ne tienne, vous aurez tout de même la chance de voir le résultat final de notre studio de photographie.
Et pour vous, qu'est-ce que les arts et la culture représentent?
Édifice historique, le Centre d'art de Kamouraska est un lieu d'exposition et de diffusion des arts visuels et des métiers d'art. La « Rencontre photographique à Kamouraska » ainsi que « Matières et Mémoires », c'est chez nous que ça se passe !
dimanche 26 septembre 2010
vendredi 24 septembre 2010
Les Journées de la Culture 2010
Qu'est-ce que les Journées de la Culture?
Ce sont des activités gratuites partout au Québec organisées par des artistes et des organismes culturels qui ont à coeur la mise en valeur des arts et de la culture.
En quoi est-ce que c'est intéressant?
C'est une chance unique pour vous de découvrir l'importance des arts et de la culture. Des yeux ravis, des oreilles charmées, des échanges divertissants, c'est ce qui vous est proposé un peu partout pour le week-end et ce, tout à fait gratuitement.
Et qu'est-ce que l'Ancien Palais de Justice a préparé pour l'occasion?
Des activités vraiment spéciales.
D'abord, l'entrée est gratuite les 24-25 et 26 septembre. Il s'agit de votre dernière chance pour (re)découvrir les talentueux peintres Miguel Forest et Gernot Nebel, à travers leur exposition Regards croisés. Cette exposition propose deux regards sur deux méthodes de travail différentes, inspirées par le même paysage, celui du Kamouraska. Également, dernière chance de voir l'exposition Matières et Mémoires: La fibre textile qui présente le travail de 14 artistes et artisans qui utilisent la fibre textile. Des arts actuels aux arts traditionnels, en passant par les métiers d'art, il s'agit aussi d'un portrait ethno-historique des plus intéressants sur l'influence du travail de la fibre au Kamouraska et ailleurs. Les critiques et visiteurs sont d'accord: ces deux expositions sont un succès planétaire, rien de moins!
Aussi, le 25, dès 11h, Élizabeth Drapeau, photographe, vous attend avec son sourire pour vous "tirer le portrait". Nous vous inviterons par la suite à rédiger un court texte sur ce que les arts et la culture représentent pour vous. Ces photos et textes seront publiés sur le site Culture pour tous en plus d'être projetés à l'Ancien Palais de Justice le lendemain, soit le 26.
Toujours le 25, dès 13h30, Lise Rodrigue, artisane aux mains habiles, vous révélera les secrets du tissage de fibres végétales durant son atelier-démonstration sur la vannerie.
Nous vous attendons pour un week-end tout à l'image et à l'honneur des Journées de la Culture. N'oubliez pas que nous fermons nos portes le dimanche 26, à 17h et ce, pour toute la période hivernale.
Au plaisir!
Ce sont des activités gratuites partout au Québec organisées par des artistes et des organismes culturels qui ont à coeur la mise en valeur des arts et de la culture.
En quoi est-ce que c'est intéressant?
C'est une chance unique pour vous de découvrir l'importance des arts et de la culture. Des yeux ravis, des oreilles charmées, des échanges divertissants, c'est ce qui vous est proposé un peu partout pour le week-end et ce, tout à fait gratuitement.
Et qu'est-ce que l'Ancien Palais de Justice a préparé pour l'occasion?
Des activités vraiment spéciales.
D'abord, l'entrée est gratuite les 24-25 et 26 septembre. Il s'agit de votre dernière chance pour (re)découvrir les talentueux peintres Miguel Forest et Gernot Nebel, à travers leur exposition Regards croisés. Cette exposition propose deux regards sur deux méthodes de travail différentes, inspirées par le même paysage, celui du Kamouraska. Également, dernière chance de voir l'exposition Matières et Mémoires: La fibre textile qui présente le travail de 14 artistes et artisans qui utilisent la fibre textile. Des arts actuels aux arts traditionnels, en passant par les métiers d'art, il s'agit aussi d'un portrait ethno-historique des plus intéressants sur l'influence du travail de la fibre au Kamouraska et ailleurs. Les critiques et visiteurs sont d'accord: ces deux expositions sont un succès planétaire, rien de moins!
Aussi, le 25, dès 11h, Élizabeth Drapeau, photographe, vous attend avec son sourire pour vous "tirer le portrait". Nous vous inviterons par la suite à rédiger un court texte sur ce que les arts et la culture représentent pour vous. Ces photos et textes seront publiés sur le site Culture pour tous en plus d'être projetés à l'Ancien Palais de Justice le lendemain, soit le 26.
Toujours le 25, dès 13h30, Lise Rodrigue, artisane aux mains habiles, vous révélera les secrets du tissage de fibres végétales durant son atelier-démonstration sur la vannerie.
Nous vous attendons pour un week-end tout à l'image et à l'honneur des Journées de la Culture. N'oubliez pas que nous fermons nos portes le dimanche 26, à 17h et ce, pour toute la période hivernale.
Au plaisir!
vendredi 17 septembre 2010
Miguel Forest et Gernot Nebel font parler d'eux!
L’exposition «Regards croisés» : compte-rendu d’une visite
par Jacques Julien, 8 septembre 2010, à 13:01
Du 3 août au 26 septembre à l’ancien Palais de justice de Kamouraska (http://www.kamouraska.org/) se tient la belle exposition Regards croisés. On peut y voir des œuvres des peintres Gernot Nebel et Miguel Forest. Leurs œuvres, dit le programme, représentent à la fois les «paysages de figuration ouverte et d’abstraction lyrique» ou «deux approches spécifiques d’expression visuelle».
Alors que je passais quelques jours à Saint-André-de-Kamouraska, entre les aboiteaux et les cabourons
http://www.patrimoine.bassaintlaurent.ca/paysages/entre-fleuve-aboiteaux-et-cabourons-le-village-de-saint-andre je suis allé voir cette exposition. Je vous fait part de mes observations personnelles et je transcris aussi quelques éléments de la présentation de l’exposition. Les deux peintres y ont en effet exprimé en leurs propres mots, leur conception de leur travail (texte complet sur http://www.kamouraska.org/regards_croises.php).
L’exposition de la vingtaine de tableaux est répartie entre deux salles, une petite et une grande. Le bâtiment a de belles ouvertures qui ouvrent sur de grands champs vert luzerne et avoine dorée. En avant, les fenêtres donnent sur le fleuve qui glissait ce jour-là comme un ruban d’acier. D’entrée de jeu, le spectateur peut faire des aller-retour visuels entre la «vraie nature» et la nature «en peinture». Sur un mur de la petite salle, on a affiché sur de petites tuiles une série de citations de peintres. On y lit ainsi les différents points de vue classique sur les rapports entre la nature et la peinture et cette information met brièvement et discrètement en place un contexte théorique pour laisser vibrer ensuite l’expressivité des toiles.
Miguel Forest
En ses propres mots, donc, Miguel Forest se dit fasciné et possédé par l’ampleur, la vastitude et la variété du paysage. Il voit la nature comme un champ dans lequel des forces se déploient, s’exercent, «parfois s’harmonisent, se complètent ou s’opposent». Ces forces, il revient au peintre de les dégager, de les faire voir. Et aussi, sans doute, sur l’espace restreint de la toile, de les agencer selon ses propres forces à lui. Son œil, sa grammaire picturale, sa gestuelle de peintre et les matières (médium, pigments, pinceaux, support, etc.)avec lesquelles il a choisi de travailler.
Déjà, la détermination de regarder la nature afin d’y voir jouer des forces constitue une certaine abstraction, une certaine mise à distance de la reproduction littérale des formes apparentes (arbres, nuages, cours d’eau, montagnes) arrangées en scènes convenues : paysages pittoresques, charmants. Paysages «genre» paysages. Miguel Forest ajoute un autre niveau d’abstraction quand il se dit sensible à l’action du hasard dans le jeu des forces de la nature. Il observe, dit-il, «les imprévisibles mouvements du ciel, l’insistance des vents, les trouées de lumière et la présence du fleuve» toujours en mouvement. Les quatre éléments, bien sûr, l’eau, l’air, la terre et le feu de la lumière. Mais aussi la boue, les végétaux, l’ai ambiant, les nuages, etc.
Si elle est un grand champ de jeu pour des forces, la nature s’incarne en des réalités, des choses qui sont des assemblages de matière et de forme. Ainsi, Forest voit bien les arbres, seuls ou en groupes, majestueux ou chicots, les montagnes, lointaines et inconnues qui sont l’objet d’une fascination du regard. Et le peintre doit sans doute se secouer et sortir de son hypnose pour reporter son œil et sa main sur la toile. En plus de cette fascination ou de ce saisissement, le peintre dit ressentir une interpellation ou une invitation à l’inaccessible. Ces émotions s’inscrivent d’abord dans la sensibilité du peintre. Il lui faut du cœur et des tripes. Comme il en va pour les musiciens, ce courant émotif doit passer dans les doigts et inséminer les ressources techniques : «composition, contraste, choix des couleurs, transparence, etc.»
Enfin, la nature, déjà grouillante de plantes et d’animaux, est habitée et colonisée par ces étranges créatures que sont les humains. Ils la colonisent, la squattent, la mettent à leur main. Ce qui revient à cultiver la nature, mais aussi à la dé-naturer. Dans ces grands espaces qui bordent le fleuve ou qui se déploient sans horizon dans les grandes terres intérieures, les constructions des humains paraissent souvent perdues, fragiles et dérisoires. Cela saute aux yeux quand on voit la menace d’un ciel d’hiver qui pèse sur la blancheur de la neige. Une ligne basse de maisons recroquevillées, refuges des humains quand la nature menace. Un arbre esseulé, effeuillé s’étire, comme une main tendue aux nuages dans un geste de paix et d’apaisement. Miguel aiment regarder ces constructions et les faire voir comme étant «une allégorie du rapport des hommes avec la nature». Un rapport de forces (pas nécessairement hostiles ou en opposition), ce qui nous ramène à la première intuition de la nature comme grand champ de forces aléatoires et nécessaires. C'est-à-dire: la Nature (avec une majuscule) ou la Vie elle-même.
Puisque la nature est envisagée avec tant d’ampleur, le peintre ne cherche pas à reproduire le paysage ni dans ses détails ni dans son exactitude. Il veut saisir, faire revivre, rendre compte, à sa façon, de la puissance, de la diversité et de l’immensité de la nature. Comment? «Par un geste intuitif, dit-il, je tente de faire émerger de la toile la force secrète et invisible des éléments, que ce soient les mouvements du ciel, les intensités de lumière, les variations des formes, les nuances des couleurs». Pris dans cette sorte de danse ou de transe, Miguel Forest a dû sans doute parfois s’accrocher à son pinceau qui menaçait de l’emporter au-delà des cadres de la figuration vers la jouissance d’un geste gratuit.
Le spectateur peut voir comment ça se passe dans la vie de l’artiste. Sont exposés quatre cahiers tout terrain dans lesquels le peintre a jeté les premières esquisses de ce qu’il a vu, ressenti et saisi sous l’inspiration du moment. Ces relevés ont passé ensuite dans des toiles telles que :«Ce que voit l’œil du peintre sur la batture», le très secret et très vibrant «chemin des écoliers», un beau «mars», le flamboiement d’«À l’heure où chantent les oiseaux». Dans le «Lac du fou», au dessus d’une éclaircie, un ciel tourmenté, engrossé, crève et s’effiloche. Les grands formats se prêtent aux emportements de la poudrerie, aux espaces d’avoines folles qui chatouillent les nuages. Alors qu’un petit tableau très condensé et très concentré fait respirer l’odeur du «foin de mer».
Gernot Nebel
Les peintres se posent entre nous et la nature comme des «appareils» ultra-sensibles. Dotés, comme tout le monde, de leurs yeux et de leurs mains, ils les ont entraînés à un calibrage différent, une sorte de dérèglement de tous les sens. Héritiers de leurs grands ancêtres de Lascaux, ils disposent aussi de quelques outils : la surface plane, les objets qui leur servent à inscrire des marques : la ligne, le point, la tache. La contribution de Gernot Nebel à cette exposition nous rend plus sensibles à tout cela. En ses propres mots, il dit avoir fait d’abord des «exercices de regard» par la photographie de formes, de lignes, de taches de couleurs, de murs délabrés ou de dessins faits par la nature sur les roches et les rochers. La nature, avant de se donner à peindre, serait donc peintre elle-même?
Quant à la peinture, Gernot Nebel la pratique comme un travail, selon plusieurs sens de ce mot. D’une part, c’est un jeu. Faire jouer l’inconscient. Que ce qu’il y a de plus profond dans le cœur de l’homme joue sur ce qu’il y a de plus superficiel. (Faire) jouer le jeu. Déclencher, déverrouiller, ouvrir les vannes des associations de gestes, d’idées, de sentiments et d’émotions. S’embarquer volontiers en terrain non connu et non balisé. Se (pro)jeter sur la toile. Au lieu d’essayer de coucher sur la surface ce que l’œil a vu à l’extérieur, comme un travail de décalque ou de pochoir, travailler le corps du plan jusqu’à faire apparaître, au gré des couches et des transparences, par des manipulations de raclage, de scarification ou de frottage «un sens pictural». Sens qui est un secret absolument intime pour le peintre et qui ne peut jamais passer dans les mots d’une explication. Mais un sens cependant assez chargé pour rejoindre la sensibilité de qui regarde. Et se trouve sur la même longueur d’ondes.
D’une certaine façon, si on suit la démarche de Gernot Nebel, le paysage était (d’avance) dans le support. Le peintre le savait, l’a senti, le voyait. Il lui revenait de le faire venir à la surface. Nebel parle d’«un échange constant entre la surface, les gestes, les idées et les sentiments». Son travail est celui d’une accoucheuse des formes, des rythmes, des couleurs, des textures. La toile est engrossée, elle est en travail. Il faut que ça vienne, de part et d’autre.
La nature n’est donc pas découpée en autant de petits tableaux sans surprises. Elle apparaît de façon fugitive, imprévue et imprévisible, rieuse, fantasque ou réservée, sous un certain éclairage, dans une certaine pâte de la matière, dans une mélodie des couleurs. Selon un rythme qui est passé directement du corps du peintre, via le ballet du pinceau, au plat de la toile. Sous les apparences de striures, de trames mises à nu, de traces et de blancs, Gernot Nebel nous donne des œuvres raffinées, paisibles et pacifiantes. Comme des bandes passantes, certaines toiles nous restent gravées sur la rétine comme autant d’éclats de rouge, des frottements de gris et de rose, telle une «Empreinte de l’éphémère». Le jeu est aussi une érotique, quand l’œil est sollicité par le grain de la toile. Le «regardant» saisit un peu mieux ce que réalise le travail de la peinture alors qu’elle donne à voir, qu’elle éclaircit le regard et qu’elle prépare à la vision et même, peut-être, aux visions.
Je me suis arrêté en particulier à un diptyque original, monté comme une sculpture. Que j’ai regardé avec en tête l’intention de poursuivre la référence donnée par le titre «Sémaphore», à un poème de Gilles Hénault. «Les signes vont au silence / Les signes vont au sable du songe et s’y perdent / Les signes s’insinuent au ciel renversé de la pupille / […] Et tout se tisse de souvenirs feuillus, de gestes palmés / éventant l’aire des lisses liesses».
par Jacques Julien, 8 septembre 2010, à 13:01
Du 3 août au 26 septembre à l’ancien Palais de justice de Kamouraska (http://www.kamouraska.org/) se tient la belle exposition Regards croisés. On peut y voir des œuvres des peintres Gernot Nebel et Miguel Forest. Leurs œuvres, dit le programme, représentent à la fois les «paysages de figuration ouverte et d’abstraction lyrique» ou «deux approches spécifiques d’expression visuelle».
Alors que je passais quelques jours à Saint-André-de-Kamouraska, entre les aboiteaux et les cabourons
http://www.patrimoine.bassaintlaurent.ca/paysages/entre-fleuve-aboiteaux-et-cabourons-le-village-de-saint-andre je suis allé voir cette exposition. Je vous fait part de mes observations personnelles et je transcris aussi quelques éléments de la présentation de l’exposition. Les deux peintres y ont en effet exprimé en leurs propres mots, leur conception de leur travail (texte complet sur http://www.kamouraska.org/regards_croises.php).
L’exposition de la vingtaine de tableaux est répartie entre deux salles, une petite et une grande. Le bâtiment a de belles ouvertures qui ouvrent sur de grands champs vert luzerne et avoine dorée. En avant, les fenêtres donnent sur le fleuve qui glissait ce jour-là comme un ruban d’acier. D’entrée de jeu, le spectateur peut faire des aller-retour visuels entre la «vraie nature» et la nature «en peinture». Sur un mur de la petite salle, on a affiché sur de petites tuiles une série de citations de peintres. On y lit ainsi les différents points de vue classique sur les rapports entre la nature et la peinture et cette information met brièvement et discrètement en place un contexte théorique pour laisser vibrer ensuite l’expressivité des toiles.
Miguel Forest
En ses propres mots, donc, Miguel Forest se dit fasciné et possédé par l’ampleur, la vastitude et la variété du paysage. Il voit la nature comme un champ dans lequel des forces se déploient, s’exercent, «parfois s’harmonisent, se complètent ou s’opposent». Ces forces, il revient au peintre de les dégager, de les faire voir. Et aussi, sans doute, sur l’espace restreint de la toile, de les agencer selon ses propres forces à lui. Son œil, sa grammaire picturale, sa gestuelle de peintre et les matières (médium, pigments, pinceaux, support, etc.)avec lesquelles il a choisi de travailler.
Déjà, la détermination de regarder la nature afin d’y voir jouer des forces constitue une certaine abstraction, une certaine mise à distance de la reproduction littérale des formes apparentes (arbres, nuages, cours d’eau, montagnes) arrangées en scènes convenues : paysages pittoresques, charmants. Paysages «genre» paysages. Miguel Forest ajoute un autre niveau d’abstraction quand il se dit sensible à l’action du hasard dans le jeu des forces de la nature. Il observe, dit-il, «les imprévisibles mouvements du ciel, l’insistance des vents, les trouées de lumière et la présence du fleuve» toujours en mouvement. Les quatre éléments, bien sûr, l’eau, l’air, la terre et le feu de la lumière. Mais aussi la boue, les végétaux, l’ai ambiant, les nuages, etc.
Si elle est un grand champ de jeu pour des forces, la nature s’incarne en des réalités, des choses qui sont des assemblages de matière et de forme. Ainsi, Forest voit bien les arbres, seuls ou en groupes, majestueux ou chicots, les montagnes, lointaines et inconnues qui sont l’objet d’une fascination du regard. Et le peintre doit sans doute se secouer et sortir de son hypnose pour reporter son œil et sa main sur la toile. En plus de cette fascination ou de ce saisissement, le peintre dit ressentir une interpellation ou une invitation à l’inaccessible. Ces émotions s’inscrivent d’abord dans la sensibilité du peintre. Il lui faut du cœur et des tripes. Comme il en va pour les musiciens, ce courant émotif doit passer dans les doigts et inséminer les ressources techniques : «composition, contraste, choix des couleurs, transparence, etc.»
Enfin, la nature, déjà grouillante de plantes et d’animaux, est habitée et colonisée par ces étranges créatures que sont les humains. Ils la colonisent, la squattent, la mettent à leur main. Ce qui revient à cultiver la nature, mais aussi à la dé-naturer. Dans ces grands espaces qui bordent le fleuve ou qui se déploient sans horizon dans les grandes terres intérieures, les constructions des humains paraissent souvent perdues, fragiles et dérisoires. Cela saute aux yeux quand on voit la menace d’un ciel d’hiver qui pèse sur la blancheur de la neige. Une ligne basse de maisons recroquevillées, refuges des humains quand la nature menace. Un arbre esseulé, effeuillé s’étire, comme une main tendue aux nuages dans un geste de paix et d’apaisement. Miguel aiment regarder ces constructions et les faire voir comme étant «une allégorie du rapport des hommes avec la nature». Un rapport de forces (pas nécessairement hostiles ou en opposition), ce qui nous ramène à la première intuition de la nature comme grand champ de forces aléatoires et nécessaires. C'est-à-dire: la Nature (avec une majuscule) ou la Vie elle-même.
Puisque la nature est envisagée avec tant d’ampleur, le peintre ne cherche pas à reproduire le paysage ni dans ses détails ni dans son exactitude. Il veut saisir, faire revivre, rendre compte, à sa façon, de la puissance, de la diversité et de l’immensité de la nature. Comment? «Par un geste intuitif, dit-il, je tente de faire émerger de la toile la force secrète et invisible des éléments, que ce soient les mouvements du ciel, les intensités de lumière, les variations des formes, les nuances des couleurs». Pris dans cette sorte de danse ou de transe, Miguel Forest a dû sans doute parfois s’accrocher à son pinceau qui menaçait de l’emporter au-delà des cadres de la figuration vers la jouissance d’un geste gratuit.
Le spectateur peut voir comment ça se passe dans la vie de l’artiste. Sont exposés quatre cahiers tout terrain dans lesquels le peintre a jeté les premières esquisses de ce qu’il a vu, ressenti et saisi sous l’inspiration du moment. Ces relevés ont passé ensuite dans des toiles telles que :«Ce que voit l’œil du peintre sur la batture», le très secret et très vibrant «chemin des écoliers», un beau «mars», le flamboiement d’«À l’heure où chantent les oiseaux». Dans le «Lac du fou», au dessus d’une éclaircie, un ciel tourmenté, engrossé, crève et s’effiloche. Les grands formats se prêtent aux emportements de la poudrerie, aux espaces d’avoines folles qui chatouillent les nuages. Alors qu’un petit tableau très condensé et très concentré fait respirer l’odeur du «foin de mer».
Gernot Nebel
Les peintres se posent entre nous et la nature comme des «appareils» ultra-sensibles. Dotés, comme tout le monde, de leurs yeux et de leurs mains, ils les ont entraînés à un calibrage différent, une sorte de dérèglement de tous les sens. Héritiers de leurs grands ancêtres de Lascaux, ils disposent aussi de quelques outils : la surface plane, les objets qui leur servent à inscrire des marques : la ligne, le point, la tache. La contribution de Gernot Nebel à cette exposition nous rend plus sensibles à tout cela. En ses propres mots, il dit avoir fait d’abord des «exercices de regard» par la photographie de formes, de lignes, de taches de couleurs, de murs délabrés ou de dessins faits par la nature sur les roches et les rochers. La nature, avant de se donner à peindre, serait donc peintre elle-même?
Quant à la peinture, Gernot Nebel la pratique comme un travail, selon plusieurs sens de ce mot. D’une part, c’est un jeu. Faire jouer l’inconscient. Que ce qu’il y a de plus profond dans le cœur de l’homme joue sur ce qu’il y a de plus superficiel. (Faire) jouer le jeu. Déclencher, déverrouiller, ouvrir les vannes des associations de gestes, d’idées, de sentiments et d’émotions. S’embarquer volontiers en terrain non connu et non balisé. Se (pro)jeter sur la toile. Au lieu d’essayer de coucher sur la surface ce que l’œil a vu à l’extérieur, comme un travail de décalque ou de pochoir, travailler le corps du plan jusqu’à faire apparaître, au gré des couches et des transparences, par des manipulations de raclage, de scarification ou de frottage «un sens pictural». Sens qui est un secret absolument intime pour le peintre et qui ne peut jamais passer dans les mots d’une explication. Mais un sens cependant assez chargé pour rejoindre la sensibilité de qui regarde. Et se trouve sur la même longueur d’ondes.
D’une certaine façon, si on suit la démarche de Gernot Nebel, le paysage était (d’avance) dans le support. Le peintre le savait, l’a senti, le voyait. Il lui revenait de le faire venir à la surface. Nebel parle d’«un échange constant entre la surface, les gestes, les idées et les sentiments». Son travail est celui d’une accoucheuse des formes, des rythmes, des couleurs, des textures. La toile est engrossée, elle est en travail. Il faut que ça vienne, de part et d’autre.
La nature n’est donc pas découpée en autant de petits tableaux sans surprises. Elle apparaît de façon fugitive, imprévue et imprévisible, rieuse, fantasque ou réservée, sous un certain éclairage, dans une certaine pâte de la matière, dans une mélodie des couleurs. Selon un rythme qui est passé directement du corps du peintre, via le ballet du pinceau, au plat de la toile. Sous les apparences de striures, de trames mises à nu, de traces et de blancs, Gernot Nebel nous donne des œuvres raffinées, paisibles et pacifiantes. Comme des bandes passantes, certaines toiles nous restent gravées sur la rétine comme autant d’éclats de rouge, des frottements de gris et de rose, telle une «Empreinte de l’éphémère». Le jeu est aussi une érotique, quand l’œil est sollicité par le grain de la toile. Le «regardant» saisit un peu mieux ce que réalise le travail de la peinture alors qu’elle donne à voir, qu’elle éclaircit le regard et qu’elle prépare à la vision et même, peut-être, aux visions.
Je me suis arrêté en particulier à un diptyque original, monté comme une sculpture. Que j’ai regardé avec en tête l’intention de poursuivre la référence donnée par le titre «Sémaphore», à un poème de Gilles Hénault. «Les signes vont au silence / Les signes vont au sable du songe et s’y perdent / Les signes s’insinuent au ciel renversé de la pupille / […] Et tout se tisse de souvenirs feuillus, de gestes palmés / éventant l’aire des lisses liesses».
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