jeudi 9 juin 2011

Quand la directrice s'en mêle...

Le compte à rebours est commencé.

Huit jours.

C'est ce qu'il reste avant l'ouverture au grand public. Huit petits jours avant que vous puissiez découvrir la troisième édition de la Rencontre photographique à Kamouraska, une édition qui promet. Je sais, vous allez dire que je suis vendue d'avance. Pourtant, vous avez tort.

Ce n'est pas parce que je dirige le Centre d'art, ni parce que la photographie est un art qui me rejoint, que je considère que la Rencontre photographique 2011 sera inoubliable.

C'est parce que les expositions qui y sont présentées, je les ai vues; des dossiers papier qui m'ont été envoyés jusqu'au moment magique où chaque exposition habite son espace, en passant par les longues heures à voir et revoir la scénographie pour mettre en valeur chacune des photographies.

Non seulement, je les ai vues, ces expositions, mais je les ai ressenties. Jusque dans mes tripes pour certaines.

Vous croyez que j'exagère?

Quand je suis entrée au bureau lundi, je me suis dirigée vers la grande salle de spectacle, transformée pour l'occasion en salle d'exposition. Des bannières hautes de 9 pieds et larges de 4 pieds m'attendaient. Sur ces bannières: Haïti. À vif. Pendant et après le séisme de janvier 2010. Haïti et ses rues, ses édifices, son Palais et surtout, ses habitants, dévastés. En me promenant parmi les 30 bannières exposées, je me suis rappelée le soir du 12 janvier, alors que j'apprenais par le téléjournal l'atrocité. Ma petite fille d'à peine 3 mois dans les bras, j'ai pleuré pour ces familles décimées et ces enfants orphelins. Et je me suis dit que jamais, au grand jamais, je ne devrai oublier Haïti. Même quand les médias n'en parleront plus, même quand d'autres catastrophes que je ne devrai pas oublier non plus surviendront. Je me suis retrouvée, un an et demi plus tard, seule parmi des photographies témoignant du drame, pleurant comme une madeleine, avec au coeur cette terrible impression d'impuissance. Et j'ai promis à ce petit bébé, sur la dernière bannière, que je ferais mon gros possible pour lui venir en aide. À lui et tous les autres haïtiens encore vivants.

Voilà pourquoi je témoigne à mon tour. Pour que vous veniez découvrir HAÏTI À VIF - Quinze photojournalistes québécois témoignent du 12/01 sur le vif et après-coup. Bien qu'elles présentent parfois des scènes dures, reste que ces photographies sont belles et grandioses. Le commissaire d'exposition, Emmanuel Galland, a su assembler, éditer et présenter les photographies pour que l'on comprenne l'ampleur du désastre, certes, mais aussi l'espoir, le courage et la force qui habitent les survivants. Croyez-moi sur parole, vous ressortirez de cette exposition en appréciant chaque seconde, minute et heure qui suivront...


Benoit Aquin, Les travailleurs jaunes - 04 mai 2010 - Des jeunes Haïtens travaillent au nettoyage des décombres engagés dans un programme sous la tutelle de l’USAID et de ses partenaires internationaux © Maison d’Haïti.


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Donc, vous sortez de la salle, chamboulé(e). Vous vous dirigez par la suite vers la petite salle en entrant, que vous n'avez pas remarquée, trop pressé(e) de découvrir HAÏTI À VIF.


Normand Blouin y expose Haïti - Oh mon Dieu!. Une fois de plus, vous êtes supris(e) et déstabilisé(e). Malgré le séisme, malgré le choléra, malgré les inondations, les Haïtiens démontrent une foi inébranlable. Devant la cathédrale en ruine, ils célèbrent des messes pour demander pardon à la Terre et à Dieu qui ont envoyé un message que nous devons comprendre. Une religieuse fixe des débris, perdue dans ses pensées, dans ses questionnements face à cette foi puissante. Un cadre montrant Jésus flotte parmi des maisons détruites, accroché à un arbre par des mains qui ont tout perdu, sauf ce cadre justement. Et vous voilà ressortant de la salle, questionnant vos croyances, vos convictions, vos valeurs.


Puis, vous empruntez le grand escalier qui vous mène aux salles d'exposition du deuxième étage, le coeur un peu lourd, espérant un plus de légèreté pour la suite. Une petite salle éclectique vous attend sur la droite. À première vue, les Oeuvres récentes de Gilles Savoie ne semblent pas faire partie de la Rencontre photographique. En effet, qu'est-ce que ces drôles de sculptures font là? Vous vous approchez et vous réalisez que ces sculptures sont réalisées à partir de photographies. Que ce soit l'imposante Se reconnaître ou la surprenante Vivre sur un nuage, chacune des oeuvres de ce photographe vous fera sourire.


C'est le coeur plus léger (merci Gilles) que vous rejoignez la dernière salle où vous êtes attendus par un buveur de chaï à votre droite et un fumeur rouge à votre gauche. Ce n'est pas pour rien que François Desaulniers l'a baptisé Regards, cette exposition. Les photographies vous offrent un rendez-vous en tête-à-tête avec des regards frappants de l'Inde. Cette vieille dame, surtout, qui semble vous demander si vous êtes satisfait(e) de votre vie. Sans oublier cette petite fille à la bicyclette dont les yeux d'un vert intense vous scrutent, l'air de se demander ce que vous lui voulez.


Le vôtre, votre regard, se pose ensuite sur l'exposition Terre Massaï de Jean-François Gratton. Des tableaux grand format semblant sortir du mur présentent des masques et statuettes africains dans des paysages fabuleux. Vous vous sentez aspiré(e), subjugué(e) par ces artefacts anciens photographiés dans ce coin de pays appelé le Foyer de l'humanité. Et vous tournez la tête vers cette série de portraits des Massaï, frappé(e), entre autres, par celle présentant des enfants albinos.


Avant de redescendre, vous admirez le point de vue: le fleuve et les îles de Kamouraska, là, dehors.


Et vous vous dites que, vraiment, vous avez drôlement bien fait de venir jeter un coup d'oeil à cette Rencontre photographique à Kamouraska (et, évidemment, que vous ne manquerez pas l'édition 2012).